Phèdre


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Texte  Yannis Ritsos
Conception Marianne Pousseur et  Enrico Bagnoli
Musique originale Marianne Pousseur
Mise en scène, espace, et lumières Enrico Bagnoli
Son et décor sonore Diederik De Cock
Interprétation Marianne Pousseur
Collaboration artistique Guy Cassiers et  Josse de Pauw
Costumes Christine Piqueray
Assistante à la mise en scène et aux décors Ilaria Mozzambani

Traduction di texte: Gerard Pierrat © Editions Gallimard Adaptation de Marianne Pousseur.

Une production de la Compagnie Khroma, en coproduction avec le Théâtre de Liège et le Théâtre des Tanneurs. Avec l'aide des Brigittines et de la Maison des cultures et de la cohésion sociale de Molenbeek. Avec le soutien du Ministère de la Communauté française Wallonie-Bruxelles, service du Théâtre.

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Après avoir présenté « Ismène », spectacle jouissant encore à l’heure actuelle d’un grand succès international, la compagnie Khroma poursuit sa recherche sur la tragédie et ses ramifications dans le monde contemporain. Pour ce faire, Marianne Pousseur et Enrico Bagnoli s’appuient une nouvelle fois sur un des monologues dramatiques de Yannis Ritsos : « Phèdre ». Phèdre est le deuxième volet du triptyque dont la troisième partie sera "Ajax" dont la création est prévue pour 2015 .

La Phèdre de Yannis Ritsos est une femme accomplie. Elle est touchée par un amour soudain, sans préavis, amour qui changera sa vie de façon définitive. Malgré la différence d’âge, inconcevable quand il lie une femme à ce stade de la vie à un homme qui pourrait être son fils, Hippolyte, et malgré le lien presque filial qui les unit, cet amour pourrait être beau, pur, juvénile. La réponse est brutale. Cette passion est coupable, impure, sale. Dans la bouche d’Hippolyte, les femmes sont en elles-mêmes coupables d’impureté, bien avant d’avoir commis le moindre crime. Au-delà de la question de la féminité, se pose, simplement, celle de la
« pureté ».
Phèdre est victime d’une situation qui l’emprisonne, comme l’oiseau pris dans la glu. Chaque action, chaque décision l’empêtre plus. Seule la mort peut résoudre la situation, mais, comme le dit Ritsos, elle arrive toujours trop tard.

Des machines, appelées machines célibataires car elles ne sont actionnées par aucune main humaine, développent une de vie autonome grouillante, muée par des lois physiques et chimiques. Des mouvements organiques, les éléments naturels essentiels dans leur transmutations multiples créent une polyphonie de sons, de mouvements mécaniques. L’action des machines célibataires est un écho, une projection de Phèdre, et fait de la scène à la fois un corps vivant, l’espace du phantasme et une machine infernale.
L’état psychologique dans lequel agit Phèdre peut être apparenté à un syndrome bi-polaire, oscillant entre un amour absolu, aveuglant, et le dédain pour la lâcheté d’Hippolyte. La mise en scène reflète la même tendance bi-polaire, à l’oxymore: glace incandescente, calme délire, bruit silencieux, mort vivante. Toutes ces contradictions apparentes définissent avec précision notre Phèdre, sombre et lumineuse.
Cette nouvelle création de la compagnie Khroma, s’inscrit pour Marianne Pousseur et Enrico Bagnoli dans une revendication d’un théâtre musical, fusion totale du visuel, du musical et du langage théâtral.

Pour dense qu’elle soit, la violence de Phèdre est un viscéral et mental théâtre de l’intérieur  Dans cette parole, Phèdre s’adresse à un Hippolyte absent, mais retourne sa violente et rageuse parole vers sa propre intériorité autant que vers le spectateur. La source de cette pièce est la phonation vocale « en direct ». Cette scénographie sonore est fascinante : entre les infinitésimaux battements de cœur et un séisme quasi-final, un continuum de ténues explosions scandent ce spectacle. Quant à la scénographie visuelle, elle se tient dans un noir absolu. Douze câbles resserrent l’espace scénique ; en fond de plateau, elles encadrent cinq plaques de métal sur lesquelles, en fin de spectacle, Marianne Pousseur projette violemment des capteurs sonores. De manière globale, la lumière n’est pas l’accompagnement redondant d’une théâtralité ; au contraire, par sa risquée mais bouillante abstraction, elle en est une des structures essentielles. Au risque d’être mal compris, précisons combien tout ce dispositif, raffiné et construit, est discret. Le spectateur est désorienté, piqué au vif, attiré dans des gouffres d’inconnu qui se vivent comme un suspense. 
Et si Marianne Pousseur fabriquait bientôt un troisième portrait de femme selon Ritsos? Avec un tel triptyque, elle offrirait alors un projet marquant dans l’histoire du théâtre musical, et du théâtre tout court.

Frank Langlois - ResMusica

Une voix, un chant, des mots, mélodies lancinantes ou chuchotées, rauques, écorchées de consonnes ou douces du miel de la séduction d'un corps qui s'avoue dans l'intimité : c'est l'art de Marianne Pousseur, comédienne et musicienne, chanteuse et compositrice. Avec l'interprète, en fusion, vit la scène d'Enrico Bagnoli, magicien de la lumière et de ses ombres, de la matière et de ses transformations surprenantes, pas spectaculaires, mais qui métamorphosent subtilement notre perception de l'espace, tout comme le fait la création sonore de Diederick De Cock. Ensemble, ils rendent palpable un champ mental, peut-être l'enfermement de Phèdre dans sa passion pour son beau-fils Hyppolite.

Michèle Friche - Le Soir

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