Schoenberg
- Pierrot Lunaire – Diapason - 03-1992
Schoenberg
- Pierrot Lunaire - Télérama - 04-03-1992
Eisler -
Chansons - Le Monde de la Musique - 05-1995
Carroll -
Dialogue entre l' huître et l'autruche - LE SOIR - 22-10-1990
Poulenc -
Babar Repubblica - 12-12-2002
Ravel -
L'Enfant et les Sortilèges - Opéra International - 03-2001
Ravel -
L'Enfant et les Sortilèges - Le Monde de la Musique - 03-2001
Sciarrino
- « Lohengrin » - Le Monde - 24-05-2001
Sciarrino - Lohengrin - Res Musica 12-09-2009 Francesca Guerrasio
Pauset-Symphonie
II La Liseuse - Festival d'automne Paris -Le Figaro - 10-11-2003
Aperghis
- Dark Side - Maerzmusik Festival de Berlin –Libération -
23-03-2004
Aperghis
- Dark Side - Le Figaro - 23-03-2004
Grisey
– Quatre chants pour franchir le seuil – Frankfurter
Rundschau - 12-04-2007
Aperghis
- Ismene - Le Soir - 15-11-2008
Aperghis
- Ismene - La Libre Belgique - 15-11-2008
Aperghis - Ismene - Res Musica 03-12-2009 Michèle Tosi
Sciarrino - Lohengrin New York Times 27-04-2006 Bernard Holland
Trilogie des éléments - Ismene - Pierre Gervasoni - Le Monde 10-05-2017
Schoenberg
Pierrot
Lunaire, première symphonie de chambre (transcription Webern)
Marianne
Pousseur (voix), Ensemble Musique oblique, Philippe Herreweghe
(direction)
S'il
est un disque événement, c'est bien celui-là. Et pas seulement
parce qu'on y croise Philippe Herreweghe, l'homme des grandes
machines vocales baroques, sur les rivages ascétiques du Pierrot
lunaire, l’œuvre qui, lors de sa création à Berlin,
en 1912, donna le coup d'envoi de la modernité. Comme il
travaille à rendre plus expressif le stile espressivo de
Monteverdi, Herreweghe s'est penché, sans plus de complexe ni
d'a priori, sur les mystères du Sprechgesang, technique du «
parlé/chanté» sur laquelle Sehoenberg n'a pas laissé de
consignes bien claires. Sinon que la version du Pierrot qu'il
dirigea lui-même en disque en 1940 opte pour l'expressionnisme
« cabaret allemand»,
Chanteuse
(et membre du Collegium Vocale) Marianne Pousseur (fille du
compositeur) est aussi une actrice. Qui a monté l'an passé,
dans une mise en scène de sa sœur lsabelle. un Pierrot
lunaire filmé par la télévision belge et déjà dirigé par
Herreweghe. Elle ne craint pas d'exposer sa voix à tous les
excès (cris, gémissements) retrouve quand il le faut une
rhétorique vocale ancienne (grelots. hoquets), pour une
théâtralisation radicale du texte, ni «parlé» ni «
chanté» mais joué, corporellement. Le passage de la
première partie à la seconde marque, à la simple audition, le
basculement dans l'excès, dans l'hystérie. Des visions
cauchemardesques sont délivrées à voix nue. Le dénouement -
détour fugitif par le chant : parfum d'enfance retrouvée - est
bouleversant.
1
CD Harmonia Mundi, HMC 901390. A. R.
Marianne
Pousseur, cruelle et douce, géniale.
Le miel de
Marianne
C'est une commère
en coIère, c'est une rosière qui se désespère, c'est une pute
qui chahute, c'est un travesti inouï, c'est une lionne qui
rugit. c'est une amoureuse qui gémit. c'est la reine de la nuit,
c'est Pierrette que a perdu Pierrot - c'est Marianne Pousseur qui
arrive à son heure pour nous donner du sulfureux Pierrot lunaire
l’une des interprétations les plus provoquantes, les plus
insensées, les plus habitées et tragiques que I'on ait
entendues jusqu’ici.
C'est Lolita qui
glousse et susurre, c'est la « Madone des
hystéries » qui chuinte et qui éructe. C'est une descente
aux enfers, c'est dans un cabaret moisi L’enfance qui
s'enfuit. C'est, on le sait, I'une des partitions-clés de la
musique du XX' siècle avec sa litanie des vingt et un poèmes
d'Albert Giroud réclamant une instrumentation d'une variété
poussée à ses extrémités et une voix qui ne soit ni celle
d'une chanteuse, ni celle d'une diseuse, mais qui englobe les
deux en un « chanté-parlé » (Sprechgesang) dont on
n'a pas encore fini de s’étonner.
Marianne Pousseur
est cruelle, abominable; elle est douce a entendre. c'est du
miel. Géniale. Avec elle, L’ensemble Musique oblique que
dirige avec beaucoup de véracité stylistique le très baroqueux
Herreweghe. Tout doucettement, ce dernier gagne une place
enviable dans l’art et la manière de faire vivre la musique
de notre siècle. 1 CD Harmonia - Mundi 90139Q - Enreg.
Auditorium/Châtelet juillet 91- DDO 57'53-
Télérama N' 2199
- 4 mars 1992
Marianne
Pousseur (voix), Kaat De Windt (Piano)
1
CD unclassical Sub Rosa SR67 (distribue par Semantic)
Texte
de présentation traduit en français Enregistré en 1994 -
Minutage : 45' DDD - Technique : 8 - Prix : 156 F
Remarquée
pour son interprétation du Pierrot Lunaire de Schoenberg
(Harmonia Mundi) et des oeuvres vocales de Scelsi (Sub Rosa),
Marianne Pousseur est I'une des rares chanteuses a interpréter
Eisler avec autant de talent que Gisela May (Wergo), Dagmar Krause
(IslandAntilles, upprimé) et Kate Westbrook (Line). Dans la
célèbre Ballade von der « Judenhure » Marie Sanders («
Ballade de la "putain à juifs" Marie Sanders »), elle
crée en quelques minutes un théâtre aux multiples expressions.
Elle ouvre un monde désillusionné dans Hotelzimmer 1942, sonne
le canon dans Panzerschlacht ou dénonce la misère des temps de
guerre dans « über den Selbstmord ». Le piano de Kaat
De Windt est lui aussi d'une expression souveraine. Pour
I'interprète, « la musique d 'Eisler est plus qu 'un
accompagnement du texte de Brecht : elle le complète, le
développe et parfois le contredit, dans un extraordinaire
dialogue dans lequel le poème est toujours exalté ». Puisse ce
disque contribuer à la reconnaissance d'un compositeur
mésestimé.
Franck
Mallet
Le
Monde de la Musique 1995
Deux
reines et un enfant pour un dialogue étrange et farfelu, où le
chant seul semble permettre de franchir toutes les barrières.
Passez donc de l' autre côté du miroir
Après
sa création à Marseille et un passage au Festival au jeune
théâtre, le projet de Marianne Pousseur
s'
installe pour trois semaines à l'Atelier.
De
Lewis Carroll à Borges, le passage « de l'autre côté du
miroir» a toujours fasciné artistes et intellectuels.
Dans le même temps, cet improbable voyage dans un univers
parallèle fait rêver depuis des siècles des générations
d'enfants s'échappant dans l'imaginaire. Avec le « Dialogue
entre l'huître et l'autruche ", le discours intellectuel
sur le reflet' croise l'émerveillement enfantin dans un ,
spectacle féerique et touchant, le côté merveilleux
'l'emportant nettement sur la partie plus « réfléchie» du
spectacle.
Ce
projet de Marianne Pousseur,. Sous-titré «Comédie-reflet en un
acte et sept réflexions d'après Lewis Carroll », donne
essentiellement la parole à ces habitants du miroir, forcés
de réfléchir sans cesse une réalité qui n'est pas la leur. Au
fil du temps, ces derniers ont de plus en plus de mal à accepter
cette condition d'esclavage et souhaitent vivre leur propre
vie. Ce qui, bien entendu, ne va pas sans mal. S'ils peuvent
s'offrir quelques périodes de repos, une petite musique les
rappelle régulièrement à l'ordre, les obligeant à reprendre
leurs rôles. C'est dans cette ambiance de revendications et de
menaces de grève larvées que le petit Kevin se retrouve d'un
seul coup de l'autre côté du miroir. Rêve ou réalité,
féerie ou tragédie (un enfant a disparu et Kevin évoque une
possible noyade), nul ne le sait.
Dans
un décor de guingois évoquant un vaste échiquier aux cases
décalées, trois personnages jouent leur rôle. Les deux femmes
s'activent tandis que l'homme trotte à perdre haleine dans une
gigantesque roue. Image superbe. Au premier plan, un enfant
observe l'action. Les femmes se parlent mais aucun son ne sort
de leur bouche. Les habitants du miroir reflètent les images,
pas les sons. Au bout d'un moment, c'est la pause. Le trio se
débarrasse de ses oripeaux pesants évoquant le XIX- siècle
anglais, et retrouve pour quelques minutes sa liberté.
C'est
durant ces espèces de temps libre que le jeune Kevin pourra
faire connaissance et dialoguer avec ces trois étranges
personnages : la reine rouge, la reine blanche et sa majesté le
professeur. Si les deux femmes se montrent tour à tour douces,
drôles ou étranges, sa majesté le professeur est manifestement
l'intellectuel de la bande. Parlant sans cesse, théorisant sur
la problématique du miroir et de la vie propre de ses
occupants, tenant de longs raisonnements emberlificotés, il
tente de faire valoir le point de vue des habitants du miroir
prêts à faire voler en éclats les bonnes vieilles habitudes de
la réflexion. Drolatique à certains moments, le personnage
interprété par Ryszard Turbiasz est peut-être le plus riche
et paradoxalement le moins maîtrisé du spectacle. Ses longs
discours reflètent manifestement une bonne part des
préoccupations des auteurs mais ils sombrent trop souvent dans
la redite et le prévisible, empêchant le spectateur de se
passionner pour les questions pourtant intéressantes posées par
son discours. Les réflexions toutes simples et terriblement
logiques de Kevin viennent heureusement remettre les choses en
place avec humour et les emportements du professeur deviennent
au bout d'un moment sujets d'amusement pour tout le monde.
Le
décor superbe joue ici un grand rôle, nous entraînant dès le
départ dans un monde différent,
décalé.
Les .éclairages d'Enrico Bagnoli et la musique envoûtante de
Denis Pousseur y sont aussi pour beaucoup, de même que le
formidable travail sur le son de Dominique Baguette. Mais le plus
fascinant reste les dialogues entre Kevin et les deux reines
préférant souvent s'exprimer par le chant. Et là, Marianne
Pousseur et Simonne Moesen sont évidemment dans leur
élément. On l'a, déjà dit et répété, mais le travail vocal
de ces deux-là est une pure merveille. Qu'elles chantent en nous
rejouant la danse des petits pains de Chaplin ou qu'elles
divaguent sur des comptines d'apparence anodine mais pleines
d'humour et de surprises, elles nous emmènent instantanément
dans un monde de rêve et de fantaisie. Les textes de Lewis
Carroll et Alain Keseman Kevin le plus souvent en anglais, sont
de petites merveilles qui mériteraient largement de nous être
révélées. Marianne Pousseur et Simonne Moesen, mêlant leurs
voix avec une grâce infinie, leur donnent vie et éclat de
manière incomparable. Et ces ritournelles inconnues continuent
à vous trotter dans la tête longtemps après la fin du
spectacle. Une fin qu’on se gardera bien de révéler pour
préserver la surprise de très belles images clôturant ce
voyage étonnant et féerique dans un monde irréel.
A
l'Atelier rue des Tanneurs, du 25 octobre au 17
novembre
JEAN-MARIE
WYNANTS
_
Marianne
Pousseur et Enrico Bagnoli, les concepteurs du spectacle, ont
choisi d'aborder la délicieuse «fantaisie lyrique » de Ravel
à travers les yeux de l'Enfant, un enfant universel, confronté
à ses peurs nouvelles et ancestrales. Un enfant qui se heurte,
pour la première fois, à la vie dans toute sa complexité, avec
ses contradictions extrêmes, ses choix, ses sourdes et
constantes zones d'ombre...
La
haute silhouette de Maman, enceinte (un rival ?), se
détache massive et inquiétante, comme une ombre chinoise,
porteuse certes d'une future vie, mais si angoissante en cet
état. Alors, l'Enfant boude, se révolte, s'empresse de
désobéir pour mieux se faire remarquer, se venge sur ses
jouets, ses lectures, les animaux qu'il côtoie, les
végétaux... Mais, inévitablement, tout bascule, l'initiation
est rude, blessante, salvatrice enfin. L'Enfant émerge dans
toute son innocence d'origine... Un enfant, tout
simplement!
Dans
cette approche, le texte de Colette semble renouer avec sa
fraîcheur première. Le caractère ludique de l'opéra - celui
qui s'impose en général presque systématiquement -, disparaît
au profit d'un monde où la fantasmagorie a choisi de régner.
L'Enfant apparaît presque écrasé par cet écran géant qui
décuple les personnages, démultiplie les objets et les fait
danser sans logique, en mélangeant le tout avec extravagance.
Le
jardin, pour sa part, montre un univers confiné, circonscrit en
fond de scène par de multiples cages et clapiers. La conquête
de la liberté sera pour l'Enfant semée d'embûches, mais les
animaux, comme les végétaux, possèdent eux-mêmes une âme
pure et tout rentrera dans l'ordre... jusqu'à la prochaine
alerte.
…
Au pupitre, Oswald Sallaberger a
montré une réelle inspiration et une vraie hauteur de vues. Il
aime assurément la musique de Ravel, et il le prouve.
Le Monde de la Musique n.252 Mars 2001
LOHENGRIN,
de Salvatore Sciarrino - PARTS, de Hanspeter Kyburz.Par
Marianne Pousseur (voix), Patrick Blauwart (comédien), Axe 21,
Ensemble interContemporain, Jonathan Nott ,(direction), Jean-ClaudeBerutti
(mise en espace), Rudy Sabounghi (costumes). Cité de la
musique, le 22 mai 2001
On
peut, voir dans le « Lohengrin »(1982-1984) de_Salvatore
Sciarrino (né en 1947) plusieurs « spectres » de ce que, par
commodité, on appelle le « théâtre musical » : une sorte
de condensé essentiel, un substrat du Lohengrin, de
Richard Wagner, dont ne subsisterait qu'une longue plainte en
harmoniques, couleur «bleu acier» (comme disait Thomas
Mann du prélude de l’opéra de Wagner) dans le dernier
tiers de la partition (40 minutes environ), faisant sonner les
intervalles du Big Ben londonien (car il est dit par Sciarrino lui-meme
qu'Elsa est assourdie par le son des cloches) ; un monodrame
dans le souvenir très décalé des femmes proches de la crise de
nerfs d'Erwartung, d'Arnold Schoenberg, ou de La Voix
humaine, de Francis Poulenc ,d' après Jean Cocteau,
une étude bruitiste dans l'esprit d'un théâtre musical
guttural, quelque part entre Peter Maxwell Davis (Huit chants pour
un roi fou), Gyorgy Ligeti (Aventures et Nouvelles
Aventures) et Dieter Schnebel (Maulwerke).
Mais
le Lohengrin du compositeur italien est autre chose, une
oeuvre singulière, isolée, dont la bizarrerie absolue est
préservée, et magnifiée par Une poésie d'un raffinement extrême,
au service d'une «action invisible» pour une vocaliste,
chantant rarement, mais récitant un texte polyphonique où se
mêlent deux personnages, Elsa et Lohengrin, sans compter
l'inévitable cygne. Bruits de glotte, de salivation, toux, cris
d'oiseaux, tous amplifiés de près, comme l'ensemble
instrumental requis - lequel, à la Cité de la musique, dans
la saisissante mise en espace conçue par Jean-Claude Berutti,
joue derrière un écran de tulle.
Le
metteur en scène a placé la chanteuse daris un fauteuil
roulant, d'où elle ne s'extrait que quelques instants, pour se
poster, tel un oiseau, sur le bord de l'estrade. La chanteuse et
comédienne belge est une Ophélie hallucinée, prostrée comme
à l'intérieur de ses cavités buccales et résonnantes. Elle
«tient,» de bout en bout ce récit dont bien des aspects
grotesques, au sens vrai du terme, pourraient basculer dans le
ridicule s’ils n'étaient. vécus avec cette intensité.
POÉSIE
ETRANGE ET LUNAIRE
Quand
Vivianne de Muynck, sous la direction scénique, d'Ingrid von Wantoch
Rekowski, incarnait cette partie comme le ferait une
narratrice, perversement distante (à la manière des «officiantes
» du film Salo, de Pier Paolo Pasolini), au festival Ars Musica
de Bruxelles (Le Monde du 24 mars), Marianne Pousseur
lui imprime une poésie étrange et lunaire, parfaitement
accordée au beau texte programmatique que Salvatore Sciarrino
a écrit pour l’occasion et que lisait, en prologue, le
comédien Patrick Blauwart. -Quelques lumières seulement, mais
justes, une mise en espace minimale, mais exacte (un contexte
hospitalier), une direction précise et poétique de la part
du nouveau directeur de l'Ensemble InterContemporain, Jonathan Nott,
et le tour est bellement joué.
(…)
Renaud
Machart
Christian
MERLIN
A38
ANS, Brice Pauset est l'un des invités du Festival d'automne
2003 : la création de sa Symphonie II La Liseuse en était l'un
des événements, vendredi à la Cité de la musique de Paris.
Cela partait d'une bonne intention de mettre en perspective cette
nouvelle pièce avec une oeuvre de Couperin, tant il est vrai que
Pauset, qui est aussi claveciniste, est l'un de ceux qui posent
avec le plus d'acuité la question de la manière dont un
musicien d'aujourd'hui filtre les grands modèles du passé sans
tomber dans le « néo ». L'idée fit long feu : peut-etre parce
que la symphonie se prête moins à ce regard croisé, mais
surtout parce que l'interprétation par Gaele le Roi et Monique Zanetti
des Leçons de ténèbres du mercredi saint, avec Christophe
Rousset à l'orgue et le magnifique Atsusi Saka"i à la
viole de gambe fut d'un tel ennui et d'un tel manque
d'articulation que l'on n'y reconnaissait pas son Couperin.
Du
coup, la qualité de La Liseuse n'en était que plus saillante,
rehaussée par la direction magistrale de Jonathan Nott à la tete
d'un Ensemble intercontemporain réparti aux quatre cotés de la
salle. A l'heure où la musique contemporaine s'oriente
volontiers vers le décoratif, Pauset cultive une forme
d'austérité que l'on ne peut s'empêcher de trouver salutaire.
Le tableau de Vermeer La Jeune Femme en bleu lui a inspiré trois
quarts d'heure d'une musique d'intériorité, qui évoque la
recherche solitaire du savoir et du sens. Sur des textes de
l'Antiquité et de la Renaissance, deux voix se confrontent puis
se mêlent : l'une, parlée (Caroline Chaniolleau), dit les mots
de manière intelligible, l'autre, chantée (Marianne Pousseur),
disloque le texte. Mais c'est bien cette dernière qui
l’emporte, comme si le son pur était plus porteur de
signification que les mots. passages instrumentaux et vocaux
alternent en une architecture solide et dense, qui va de la
naissance d'un rai de lumière à la raréfaction d'un matériau
qui s'effondre sur lui-même, les aspérités de
l'instrumentation permettant d'échapper au travers du pur
contemplatif qui guette nombre de musiques de notre temps.
(...)Dans
la petite salle de la Philharmonie, Jonathan Nott créait Dark
Side, une pièce pour soprano et ensemble de Georges Aperghis
inspirée par le personnage de Clytemnestre dans l'Orestie
d'Eschyle. Derrière son micro, Marianne Pousseur traduit l'état
panique ou apaisé de la psyché de cette héroïne amoureuse et
meurtrière. L'influence d'Artaud, mais également des films de
Bergman et d'Antonioni construisant un personnage à partir de
toutes ses facettes, permet à Aperghis de refuser la
linéarité narrative et psychologique : une nouvelle réussite
de théâtre mental, après son classique Hamlet-Machine.
L'Ensemble Intercontemporain rend justice à cette écriture
accidentée, délimitant à partir d'accords multiples et de
notes pivots un cadre suffisamment inharmonique pour que l'auteur
ne soit happé que par sa voix de feu.(...) /Éric Dahan -
Libération 23/03/2004
(...)Tout
a commencé dans la petite salle de la Philharmonie avec la
création d'une commande de l'Ensemble Intercontemporain à
Aperghis, Dark Side, où le compositeur remonte aux
sources tragiques de son enfance dans les pas de Xenakis en
puisant dans l'Orestie d'Eschyle. Moderne Clytemnestre, la douce
Marianne Pousseur, qui n'ignore rien de l'art de la récitation aperghienne,
passe de la petite fille murmurante à la harpie vociférante :
elle parle, fredonne, chante parfois et maudit le roi des rois
avant de l'abattre en un mélodrame de 25 minutes aux dimensions
cosmiques.
(...)
/Jacques Doucelin - Le Figaro
23/03/2004